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Dominique Fernandez
Entretien réalisé à Paris le 21 mai 1991
 

A travers la trentaine d'essais et romans qu'il a publiés, on ressent chez Dominique Fernandez une finesse et une précision d'écriture, qui donnent à ses livres un côté pictural et musical.
Né en 1929, ce normalien membre de l'Académie Française est toujours passionné par l'Italie, pays que l'on retrouve dans la majorité de ses romans et les beaux livres qu'il publie sur l'art baroque ou l'Europe romantique.
Issu d'une famille d'écrivains, il publie son premier livre, Le roman italien et la crise de la conscience moderne, à vingt-neuf ans, après sa découverte enchanteresse du pays de Dante. Porporino obtient le Médicis en 1974, Dans la main de l'ange le Goncourt, en 1982.

Dominique Fernandez, l'Italie a joué un grand rôle dans votre carrière...

En effet. J'ai découvert ce pays à l'occasion d'un voyage organisé par l'Ecole Normale en 1950. J'avais vingt ans. A cette époque, je n'avais jamais vu la Méditerranée. Enfant, on m'avait amené sur une plage ignoble de la Manche... Et tout m'a ébloui : Rome, Assise, Florence, les Italiens. Après ce voyage, je devais normalement passer l'Agrégation de lettres classiques mais j'ai tout changé. J'ai tellement aimé ce pays que j'ai décidé d'apprendre la langue, et d'en faire mon métier! J'ai alors passé l'Agrégation d'Italien, j'ai fait une thèse sur Pavese et j'ai été envoyé deux ans en Italie, comme étudiant. C'est là que j'ai vraiment découvert ce pays. Je suis resté un an à Pise, puis à Rome. C'était merveilleux...

Ensuite, vous avez été professeur de français à Naples en 57-58. Et c'est votre seconde découverte de l'Italie...

Oui. l'Italie commence réellement à Naples, et continue au Sud, avec la Sicile... Le Nord, c'est l'Europe, tandis que Naples, c'est un autre monde. C'est l'Orient, c'est l'Afrique, c'est tout ce qu'on veut! Et puis, c'est la seule grande ville d'Italie, Rome, c'est un village. Naples a un plan d'ensemble, un urbanisme formidable, c'est une ville du XVIIIe siècle, avec des rues étroites et de grandes tranchées parallèles. Son site est magnifique, ainsi que ses palais... Et puis les Napolitains sont les plus intelligents du monde, par leur art de vivre, leur fatalisme, leur côté débrouillard et leur gentillesse! C'est extraordinaire. C'était, au XVIIIe siècle, ce qu'est New York aujourd'hui. Ville "abourgeoise", qui vit à l'âge préindustriel, monde où tout peut arriver. Une espèce de labyrinthe où l'aventure est sans cesse au coin de la rue, une vraie tribu, avec des mœurs à la fois étranges et fascinantes...

Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire à votre retour d'Italie?

Un besoin que j'ai eu dès l'âge de onze ans, l'envie de raconter des histoires. Je lisais beaucoup, j'étais dans une famille d'écrivains : j'ai toujours vécu avec des livres, pour moi, c'était naturel!

Comment voyiez-vous votre avenir étant jeune?

A onze ans, on croit ferme à tout ce qu'on fait, ce qui n'empêche que je ne voulais pas dépendre de ma plume. Comme j'étais issu d'un milieu littéraire, je connaissais trop de gens qui avaient capoté, ou qui étaient forcés d'écrire n'importe quoi pour vivre. J'ai alors décidé que je serais professeur d'université. Bref, le métier idéal, qui vous donne du temps et qui vous assure l'intendance. A dix-huit ans, je doutais peut-être plus... Et puis j'ai publié un essai sur "Le roman italien et la crise de la conscience moderne" en 1958, à l'âge de 29 ans...

Quels sont les auteurs qui vous ont influencé dans votre jeunesse?

J'adore Dumas et Stendhal. Mais j'ai aussi une grande passion pour les Russes : Tolstoï, Dostoïevski, Tourgeniev, Gogol, Pouchkine. Ce sont les plus grands narrateurs. Et puis les anglo-saxons, comme Dickens, Stevenson, Conrad, Melville, Defoë, et les romantiques allemands : Kleist, Novalis, ou Thomas Mann... Enfin, les Grecs et les Latins : j'ai lu lors de mes études, et dans le texte, Homère, Euripide, Platon, Virgile. Je relis beaucoup de classiques, pour me décrasser de tous les manuscrits ou des livres que je lis. C'est un besoin vital.

Vous n'avez cité aucun auteur italien. Pourtant, la vie de Pasolini vous a inspiré Dans la main de l'ange, avec lequel vous avez eu le prix Goncourt...

Oui, mais je n'aime pas du tout l'écrivain. C'est l'homme qui m'a fasciné, par sa vie, son destin et son assassinat. Comme disait Oscar Wilde : "Il a mis son talent dans son œuvre et son génie dans sa vie". L'Italie, pour moi, c'est surtout l'opéra, la musique.

Avez-vous déjà voyagé, spécialement pour situer une de vos scènes?

Très souvent, car tous mes romans partent de villes. Il y a eu Naples pour Porporino, Bologne et Rome pour Dans la main de l'ange, Lübeck, Vienne, Berlin pour L'amour... Pour L'école du Sud, c'était la Sicile, Agrigente et l'Auvergne... Je note le nom des rues, je fais des plans, je relève les inscriptions dans les cimetières, etc. Tout ça nourrit mon imagination.

Préparez-vous vos livres longtemps à l'avance?

J'ai besoin d'une longue incubation avant d'écrire mes livres. Ils étaient tous dans ma tête, à l'âge de dix-huit ans, sans que je le sache. Chacun incube en même temps, et puis il y en a un qui éclot en une journée. C'est très rapide. A ce moment, j'achète un carnet d'écolier à spirale, je mets un titre et je tiens le journal de mon roman. J'y écris des plans provisoires, des bouts de chapitre, des citations... Ensuite, je me mets à écrire. Ca dure deux, trois ans comme ça.

Vous n'avez jamais écrit plusieurs romans en parallèle?

Non. Mes notes ne concernent qu'un seul roman. Quand je tiens ce carnet, je ne m'en sépare jamais, je l'ai toujours sur moi. Les décisions, les idées viennent un peu par hasard... Mais il m'est arrivé d'écrire un roman et plusieurs essais sur une longue période de quatre ans...

Avez-vous déjà été inspiré par un autre sujet que celui sur lequel vous travailliez?

Non. Quand je fais un livre, je vais jusqu'au bout et rien ne peut interférer. Ma tête est organisée de façon à refuser tout ce qui n'afflue pas dans mon roman. Un livre, c'est quelque chose qui vous obsède, vous hante, vous absorbe tout entier...

Consultez-vous des documents pour vous inspirer?

Oui. Quand j'ai écrit Porporino, qui est un livre sur les castrats à Naples, j'ai consulté des livres sur l'époque, sur l'opéra... Quelquefois je me sers de photos, mais j'ai une bonne mémoire visuelle. Mes livres sont dans ma tête...

Quand vous rencontrez un sujet qui vous inspire, laissez -vous tout tomber un instant pour vous y atteler ou bien reportez-vous cela à plus tard?

Ah oui! Sauf si je suis en train de parler avec quelqu'un, bien sûr... Mais je pense déjà à cette idée, je la retiens par cœur et puis je la note.

Suivez-vous un plan ou laissez-vous courir votre plume?

On peut écrire une nouvelle sans plan, mais pas un roman, non. Comme la plupart de mes livres sont gros -quatre à cinq cents pages- je fais des plans provisoires, de vagues organigrammes : je connais les moments forts du roman, les scènes principales. Il y a une courbe idéale dans une histoire, mais au fur et à mesure que j'avance, tout ça se ramifie, et le plan se modifie indéfiniment. En fait, il n'est prêt qu'une fois le roman terminé! Quand on écrit, chaque phrase peut être modifiée, car chaque mot peut vous entraîner ailleurs. C'est très mystérieux...

Avez-vous déjà modifié la fin d'un de vos romans?

Oui. C'est souvent en cours de route que je la trouve...

Quel est votre endroit favori pour écrire?

Chez moi, à mon bureau, entouré de mes affaires, dans le silence. Je serais incapable d'écrire ailleurs. Il m'arrive de prendre des notes en voyage, c'est tout. Je travaille souvent l'été, à la campagne, dans ma maison isolée, près de Perpignan, dans une solitude totale. Avant, j'étais en Sicile...

Avez-vous besoin d'une ambiance particulière pour travailler?

Mon bureau, entouré de mes dictionnaires, mes gommes, mes papiers et des objets que j'aime...

Comment procédez-vous?

J'écris tout d'abord à la plume, puis je me corrige beaucoup. Ensuite, je tape une première fois, ce qui fait que je me corrige une deuxième fois. C'est une tape active. En tapant, j'ai une approche différente de mon manuscrit, j'aperçois des répétitions, des lourdeurs...

Avez-vous une plume fétiche?

Non. J'ai des plumes, des stylos, de différentes couleurs, parce que je bricole pas mal mes manuscrits.

Vous êtes assez maniaque!

J'aime bien que mon texte soit propre, si je vois trois ou quatre ratures, je retape. J'accumule ainsi des milliers de pages! S'il y a beaucoup de ratures, c'est qu'il y a quelque chose d'embarrassé, qui risque de rester. Plus c'est net, plus je vois ce qui ne va pas, j'élimine peu à peu les scories. C'est comme ça que je travaille.

Avez-vous des moments préférés pour écrire?

Le matin, uniquement! Je me lève vers sept heures et je me mets au travail de huit à treize heures. Je mets alors mon répondeur, et je m'isole! L'été, je travaille plus facilement, sans fatigue, et je retravaille parfois l'après-midi. A Paris, j'écris des articles...

Ecrivez-vous tous les jours?

Quand je suis sur un livre, oui. C'est comme le piano, il faut en jouer régulièrement. Il y a même des phrases qui me viennent en dormant! Quand j'ai bien travaillé une journée, et que j'achoppe sur une difficulté, le lendemain matin, il arrive que la solution se présente toute seule. Mon problème, c'est la concentration : il faut que j'élimine tout ce qui ne rentre pas dans mon roman. Il faut habiter son livre complètement, en ignorant le milieu extérieur...

D'où la nécessité d'écrire tous les jours...

Oui. A Paris, c'est très difficile, parce que vous êtes sollicité continuellement : le boulot, les amis, les spectacles... Si on sort de son livre, même vingt-quatre heures, l'effort pour y rentrer vous bouffe déjà une bonne partie de la journée. L'idéal serait d'écrire un livre de A à Z, d'un seul coup, comme Stendhal... 

Tenez-vous un carnet de bord afin de vous retrouver dans l'évolution de vos personnages?

Bien sûr ! Je fais une fiche par personnage. Pour ne pas m'embrouiller, je note son âge, sa filiation...

Les jugez-vous ou les faites-vous évoluer à leur guise?

C'est difficile de répondre à une telle question. Certains prétendent que leurs personnages leur échappent, mais c'est quand même l'auteur qui tire les ficelles...

Y en a-t-il qui vous ont particulièrement déplu, que vous avez eu du mal à maîtriser?

Non. sinon, ils sortent du livre. J'en supprime parfois pour cette raison! Ou bien j'en rajoute, je les dédouble... C'est tout un travail de cuisine que je fais au fur et à mesure. Si je choisis des personnages, c'est qu'ils me plaisent, ou qu'ils représentent un déplaisir qui me plaît...

Le roman est pour vous une forme de liberté?

Je ne dirais pas que c'est une liberté. C'est avant tout une nécessité, une contrainte, un devoir. Je ne pourrais pas ne pas écrire. Chaque roman est une étape personnelle, vitale. C'est une thérapie. Il y a beaucoup de personnages que j'ai tués parce que c'étaient des gens dont je voulais me débarrasser dans la vie! C'est pareil pour tout romancier. On tue, on se suicide, pour ne pas le faire dans la vie. C'est un vieux truc : écrire des romans pour résoudre des cas aigus...

Dans L'école du Sud et Porfirio et Constance, vous  parlez d'ailleurs de votre père, Ramon Fernandez, qui a été compromis pendant la guerre...

Oui... (silence). J'ai attendu quarante ans pour faire ce roman. J'ai peu connu mon père car j'avais quinze ans quand il est mort, en 1944. Ce sujet a incubé en moi, il s'est nourri de mon expérience pendant quarante ans. J'ai éprouvé le besoin de l'écrire le soir même où est morte ma mère, car sa présence m'empêchait de penser à ce roman. Je ne l'aurais jamais fait de son vivant...

Accordez-vous une part importante à l'actualité dans votre vie?

En tant qu'écrivain, aucune. En tant que citoyen, oui. Aujourd'hui, on est surinformé, on est assailli de toute part, on sait à tout moment ce qui se passe partout dans le monde, guerres, révolutions, épidémies, tremblements de terre, catastrophes variées, de quoi se décourager d'écrire sa petite histoire, forcément moins dramatique. Pour lire correctement les journaux, il faudrait y passer toute la journée, alors je leur consacre dix minutes par jour, ça suffit! C'est trop de temps perdu pour l'écrivain. Si on se met à vivre le monde entier, on ne peut plus écrire. De plus, mes romans se passent dans d'autres siècles : Porporino, c'est Naples au XVIIIe, L'amour, l'Allemagne au XIXe...

Il y a quand même des situations que vous pouvez transposer dans un autre siècle...

Oui, bien sûr... Mais je ne suis pas à l'affût de l'actualité, je n'en ai pas besoin.

Comment intervient votre expérience personnelle dans votre œuvre?

Elle est capitale, c'est même le principal. Elle intervient d'ailleurs après un certain temps. J'ai ainsi quitté Naples en 1958, alors que j'ai écrit Porporino en 1972. L'expérience devient une matière littéraire très longtemps après. C'est toute la différence avec le journalisme.

Arrivez-vous à conclure facilement vos chapitres?

Oui. Mais souvent je supprime les trois dernières lignes, parce que c'est un peu ronflant. on conclut pour conclure, on veut trouver une formule, alors que si ça s'arrête un peu avant, ou si ça ne s'arrête pas, c'est beaucoup mieux!

Connaissez-vous le syndrome de la feuille blanche?

C'est une faribole! A force d'écrire, on acquiert une certaine part de métier, ce qui fait qu'en cas de panne, on arrive à résoudre ce problème, et à ne pas s'obstiner sur un passage qui est sans issue. Il y a tout de même des jours où, en effet, il est plus dur d'écrire. Mais si je suis en bonne forme, il n'y a pas de raison d'éprouver cette difficulté. Je sais avant d'écrire ce que je veux écrire, il y a des difficultés techniques qui se présentent, des jours où il n'y a pas de grâce, où je ne trouve pas la formulation exacte, mais le livre étant dans ma tête, il suffit d'avoir la patience de le dérouler...

C'est donc une question d'entraînement...

Oui. Il y a un côté sportif dans l'écriture : il y a des jours où vous faites bien votre cent mètres et d'autres pas. Il y a une souplesse du cerveau comme il y a une souplesse musculaire, et ça, on l'acquiert avec une certaine discipline. Il faut être sobre pour écrire!

Que vous inspire le mot "Fin"?

Rien! Je ne l'écris pas. Quand une chose est finie, elle ne l'est pas vraiment tant qu'elle n'est pas imprimée.

Combien de temps laissez-vous reposer votre manuscrit, avant de le revoir?

Je ne donne jamais un manuscrit directement à mon éditeur. Je prends le temps de le corriger. Je le relis souvent...

Vous corrigez-vous souvent?

Je mets plus de temps à me corriger qu'à écrire, parce que je ne veux pas briser la ligne du récit. Quelquefois je supprime un chapitre, ou je réécris plusieurs pages. On s'aperçoit de ce qui ne va pas avec le recul. Tout ce qui est neuf vous paraît bien. Mais, au bout de trois mois, vous vous rendez compte que c'est mauvais. Le temps est absolument indispensable, pour regarder d'un œil neuf, comme si c'était le texte d'un autre.

Etes-vous sensible aux critiques et au succès d'un de vos romans lorsqu'il est publié?

C'est très complexe. Quand j'ai commencé à écrire, j'ai décidé que je n'en tiendrais pas compte. Echec ou succès, pour moi, c'était pareil. Le fait que personne ne lise mes premiers livres, ne me décourageait pas du tout, à la différence de beaucoup. Je voulais écrire pour écrire. C'est tout. Le succès ne m'a pas du tout troublé.

Le succès ne vous laisse pas indifférent...

Bien sûr, j'en suis ravi! Mais profondément, ça ne me fait ni chaud ni froid. J'ai un plaisir à écrire. C'est le moment où j'écris un livre qui m'intéresse. A ce moment, ça m'est complètement égal de savoir ce que les autres en penseront. C'est mon affaire. Quand le livre est terminé, il devient un objet qui m'échappe, je m'y intéresse alors comme à un livre de mes amis. Je lis bien sûr les articles qui me concernent, mais ce n'est pas vital. Si on m'égratigne, évidemment, je ne suis pas content! Mais je les oublie très vite, comme les éloges, d'ailleurs...

Certaines critiques vous ont-elles fait évoluer?

Jamais! Il n'y a pas de critiques vraiment intéressantes. Le vrai critique d'autrefois, qui réfléchissait, qui remettait un livre dans son contexte, n'existe plus. Maintenant, ce sont des critiques au jour le jour, des impressions, des humeurs...

Etes-vous très critique avec vous-même?

J'essaie de l'être, sans doute pas assez! J'essaie de me lire comme si j'étais quelqu'un d'autre...

Avez-vous réécrit ou jeté un manuscrit?

Oh, oui! Puisqu'il y en a que j'ai perdus, j'ai dû les jeter! Mais ils n'étaient pas achevés. En revanche, j'ai fait une version entièrement nouvelle de "L'étoile rose", ce qui représentait quatre cents pages. J'ai mis un an pour le réécrire. Il y a tellement de mauvais livres, que ce n'est pas la peine d'en rajouter!

Lisez-vous beaucoup vos contemporains?

Je dévore des livres de par ma profession d'éditeur, de critique au "Nouvel observateur". Je lis des centaines de livres par an, certains pas jusqu'au bout...

Comment jugez-vous le milieu littéraire actuel?

La différence, aujourd'hui, c'est qu'il n'y a plus d'écoles. Je trouve que c'est un gros progrès. Le Nouveau Roman a été la dernière école, et tant mieux. Maintenant, il y a des écrivains individualistes, ce qui me paraît intéressant, comme Hervé Guibert, Pierre Combescot, François-Olivier Rousseau, Michel Braudeau...

On parle beaucoup de Modiano et Le Clézio...

Modiano ne m'intéresse pas beaucoup, c'est très bien, mais un peu fluet...

Pourquoi ne regrettez-vous pas la disparition des écoles littéraires?

C'est la plaie de la France. Le Nouveau Roman a bouché l'horizon pendant vingt-cinq ans, il a stérilisé beaucoup de jeunes écrivains par le terrorisme intellectuel qu'il a exercé, a la fois dans le style et la critique littéraire. Il y a eu beaucoup de gens qui ont été méconnus, parce qu'ils n'appartenaient pas à cette école. 

Et les salons littéraires?

Je n'aime pas les "pia-pia". La littérature, il faut la faire, il ne faut pas en parler. Je ne parle d'ailleurs jamais de littérature avec mes amis écrivains! Ca ne sert à rien...

Avez-vous des relations épistolaires ou des entrevues fréquentes avec vos confrères?

Très peu. Je suis très paresseux pour écrire. Et puis je hais le téléphone. Je suis assez solitaire.

Vous sentez-vous isolé par les exigences de votre métier?

Heureusement! C'est ce que j'aime par dessus tout. Ecrire, c'est faire une œuvre seul, en marge des autres...

Quels conseils donneriez-vous à un jeune écrivain débutant?

Il faut écrire tous les jours, lire beaucoup. On ne peut pas écrire sans être cultivé : on entre dans une famille où c'est le mot qui compte. Ensuite, il faut être insensible à l'échec et au succès, ce qui est presque impossible à obtenir. J'ai vu des quantités de jeunes écrivains qui, à la suite de l'insuccès de leur premier livre, ce qui est de plus en plus fréquent, se découragent. S'il veut écrire pour être célèbre, gagner de l'argent, qu'il fasse autre chose! C'est un métier austère, où il y a très peu de chances de succès : un sur mille réussit... Alors il faut être sûr de sa vocation et tenir pour indispensable l'acte d'écrire...

Quel message voudriez-vous lui transmettre?

Ne pas chercher à vivre de sa plume. Je connais trop d'écrivains qui écrivent n'importe quoi, qui font des piges à droite et à gauche... Personne ne vit de sa plume en France, à part de très mauvais écrivains que je ne citerai pas, qui font de gros tirages. Il faut avoir un métier qui vous plaise et qui vous laisse le temps de travailler : dans le professorat, le journalisme...

Ecrire est un besoin irrépressible?

Ah, oui! Accompagné du sentiment que ce sera assez difficile et ascétique, avec peu de reconnaissance. Il faut accepter de ne pas être reconnu pendant très longtemps. André Gide disait à un jeune écrivain : "Si vous n'êtes pas rentier, ça ne vaut pas la peine d'essayer d'écrire!" Il n'y a plus de rentiers, alors je ne sais pas comment on fait! La plupart des jeunes écrivains confondent  l'œuvre littéraire et le moyen de réussite sociale.

Lequel de vos romans voudriez-vous qu'il lise en premier?

Franchement, je n'en sais rien. Pour moi, c'est le prochain qui compte! Et puis, c'est le lecteur qui choisit...

Citez en un, à titre d'exemple...

(Long silence). Je préférerais peut-être L'Amour. C'est un voyage initiatique d'Allemagne en Italie.

Avez-vous des regrets dans votre vie?

Ne pas savoir jouer au piano...

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